

Alphabet Tiginagh
Culture orale et écrite
L'art de l'oralité et écriture ancestrale
Bien que les Imazighen aient créé l'un des plus anciens systèmes d'écriture d'Afrique du Nord, le Tifinagh,
il n'existe pas de corpus littéraire écrit en cette langue.
Cependant les Amazighen ont développé une littérature orale riche et variée, incluant poésie,
mythes, fables, chansons, contes, proverbes et rites sacrés.
L'oralité, ou la culture du verbe, joue un rôle central dans la vie quotidienne,
l'histoire et les connaissances des Amazighen.
Le Tifinagh, également appelé libyque, est un ancien système d'écriture employé par les Numides en Afrique du Nord depuis des temps immémoriaux. Transmis à travers les générations par les autochtones de la région, cet alphabet a traversé les âges pour parvenir jusqu'à nous. Les inscriptions anciennes, soigneusement préservées, ont offert de précieuses indications sur la langue, révélant l'évolution des formes antiques vers ce que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de Tifinagh.
Ce système consonantique a subi des transformations au fil du temps, tout en conservant une stabilité morphologique et structurelle remarquable. Contrairement aux semi-voyelles (y, w), les voyelles ne sont pas transcrites dans l'alphabet libyque, et les redoublements de consonnes ainsi que les indications de tension sont absents.
L'origine exacte du Tifinagh demeure incertaine. Certains avancent que les Libyques auraient développé leur système d'écriture entre le VIe et le IVe siècle avant J.-C., en s'inspirant des alphabets phéniciens et puniques de l'époque, tout en y ajoutant leurs propres caractères. Cependant, une découverte dans le Haut-Atlas marocain en 1959 suggère une datation remontant à l'âge du Bronze II.
Le Tifinagh ancien/libyque a connu une large diffusion. Des inscriptions ont été retrouvées de la Méditerranée jusqu'au sud du Niger, de Siwa en Égypte aux îles Canaries. Les chercheurs distinguent quatre périodes historiques de l'écriture tifinagh, caractérisées par quatre types majeurs d'alphabet : le libyque oriental, le libyque occidental, le tifinagh ancien et le tifinagh récent.
Bien que le Tifinagh ait disparu dans certaines régions berbères pour des raisons religieuses, il est toujours préservé par les Touaregs, qui le considèrent comme leur alphabet distinctif, les différenciant des Arabes et des autres populations voisines. Les Touaregs ont su perpétuer l'usage du Tifinagh, assurant ainsi sa survie jusqu'à nos jours. Malgré des variations régionales, les textes rédigés dans une région sont généralement compréhensibles dans d'autres.
Les caractères du Tifinagh ornaient les parures des femmes, les armes des hommes, et servaient à composer des poèmes d'amour. Le berbère était également transcrit en caractères arabes, notamment dans le Souss, au sud du Maroc, comme en attestent de vieux manuscrits. Plus tard, le berbère a été retranscrit en caractères latins.
L’écriture Tifinagh : Des Origines à Nos Jours

Inscription du mausolée d’Atban (texte libyque). British Museum.
Cliché Sophie A. de Beaune © DR

L‘homme à l‘inscription, gravure de l’Azib n’Ikkis (
Photo J. Malhomme) © DR
Les Berbères ont et ont toujours eu une tradition littéraire très vigoureuse et diversifiée :
poésie, contes, légendes, devinettes et énigmes…
Dans les sociétés berbères traditionnelles, tous les moments de la vie, quotidiens ou exceptionnels, sont ponctués par la littérature, poésie, chants, contes…

Une langue poétique et pragmatique
L'oralité se révèle ainsi comme le vecteur principal de préservation et de transmission de l'amazighité, où langue et culture se perpétuent et évoluent de bouche à oreille, tissant un lien ininterrompu entre passé et présent.
Cette culture orale s'épanouit au quotidien, se manifestant d'abord dans l'usage courant de la langue, mais aussi dans la transmission et la création d'une littérature orale au sens large.
Dans le contexte moderne de la technologie et d'une dépendance croissante au cyberespace, émerge un mode de communication hybride, alliant caractéristiques écrites et orales. Ainsi, de nombreux aspects de la culture orale amazighe, jadis absents des contextes écrits traditionnels, trouvent désormais leur expression dans ce nouvel espace numérique. Paradoxalement, ce cadre postmoderne offre aux individus et groupes amazighen, profondément enracinés dans l'oralité, une plateforme pour créer de nouveaux discours et perspectives.
Littérature traditionnelle orale
La littérature traditionnelle qui nous est parvenue a été transmise presque exclusivement par voie orale. Toutefois, entre la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, on observe des tentatives de sa mise par écrit, indépendamment de l'influence coloniale européenne. Cette littérature se compose de productions variées, souvent sous forme de vers. La grande prévalence de la poésie dans la littérature orale s'explique en partie par la fonction mnémonique des vers, qui, avec leur rythme et leurs rimes, facilitent la mémorisation même de textes relativement longs.
Bien que la familiarité avec les textes écrits, propre à la littérature occidentale, puisse inciter à dévaloriser les littératures orales, il est essentiel de reconnaître que, même dans des cultures orales comme celle des Berbères, il existait une conscience aiguë de l'importance du patrimoine littéraire. Des figures spécialisées se consacraient à la conservation et à la transmission de ce patrimoine. Un exemple typique en est celui des imusnawen de la Kabylie (sing. amusnaw, dérivé du verbe ssen "savoir", signifiant "celui qui détient la tamusni, la connaissance"). Chaque village et chaque tribu possédait son amusnaw, un dépositaire de vastes connaissances incluant poèmes anciens et modernes, lois coutumières, généalogies et histoire locale. À l'approche de la vieillesse, l'amusnaw choisissait un jeune homme à la mémoire prometteuse pour lui transmettre progressivement son savoir, assurant ainsi la continuité de la chaîne des imusnawen.
Dans d'autres régions également, des figures de référence ont toujours existé pour préserver et transmettre le patrimoine littéraire. Outre les chanteurs et conteurs "professionnels" présents partout (comme les rrwayes chez les Chleuhs dans le sud du Maroc, les imedyazen dans le centre du pays, et les idebbalen et imeddahen en Kabylie), la figure de l'énalbad chez les Touaregs mérite une mention particulière. Sorte de « secrétaire » des poètes les plus éminents, l'énalbad était chargé d'apprendre et de transmettre fidèlement les poésies composées par ces derniers.
![]() ApuleeApulée (en latin Lucius Apuleius, en berbère ⴰⴼⵓⵍⴰⵢ, Afulay), né vers 125 à Madaure, actuelle M'daourouch au nord-est de l'Algérie et mort probablement après 170, est un écrivain, orateur et philosophe médio-platonicien. Sa renommée vient de son chef-d'œuvre, le roman latin Métamorphoses, également connu sous le nom de L'Âne d'or. |
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Parmi les auteurs amazighen, Apulée se distingue par son attachement particulier à ses origines africaines, revendiquant avec fierté son identité de "semi-numide et semi-gétule". Le conte d'Amour et Psyché, relaté dans son roman L'Âne d'or, est particulièrement remarquable. Au-delà des nombreuses et évidentes références à la mythologie gréco-latine, ce conte semble puiser ses racines dans des traditions indigènes. En effet, encore aujourd'hui, dans différentes régions d'Afrique du Nord, de nombreux contes oraux narrent l'histoire d'une jeune fille emportée au ciel par un époux mystérieux, puis ramenée sur terre à cause de sa curiosité et de la faute de ses proches.
Parmi ces récits, on trouve L'oiseau de la tempête et le Bourgeon d'or en Kabylie et Ahmed U Namir au Souss, où la trame se décline autour d'un beau et jeune époux et d'une créature féminine mystérieuse.
Une histoire presque équivalente se retrouve dans le folklore kabyle, avec des similitudes frappantes avec le récit d'Apulée : ici, la jeune fille est la septième fille d'un paysan, et son époux, le fils de Tseriel, un personnage ambigu du folklore kabyle. Tseriel peut être perçue soit comme une ogresse soit comme une bienfaitrice. Cela démontre que, malgré les particularités religieuses qui imprègnent le texte d'Apulée, celui-ci s'inspire d'une source indigène qui a perduré jusqu'à nos jours.
Même Saint Augustin, bien qu'affichant sa culture latine et, au besoin, carthaginoise
la culture "haute" des villes, le berbère étant la langue des campagnes où vivaient ses adversaires, les donatistes et les circoncellions), ne parvient pas à dissimuler complètement ses origines africaines.
Références : fabula.org - inalco.fr - wikipedia.org
![]() ST AugustinSaint Augustin d'origine berbère est l’un des principaux Pères de l’Église latine. Il appartient à la culture universelle. Les diverses composantes de son expérience d’homme, de pasteur, d’écrivain, de théologien et de mystique sont naturellement indissociables les unes des autres. |
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